Le Graal selon... Michel Angebert

Dans la tradition pyrénéenne aujourd’hui encore vivante, Montségur est considéré comme le Château du Graal, l’écrin renfermant le trésor mystique ; car c’est bien d’une légende qu’il s’agit, légende qui porte sur ses ailes le message d’une réalité transcendante. Dans le récit conté par un berger ariégeois il est fait mention de l’épisode suivant:

« Au temps où les murailles de Montségur étaient debout, les Purs y conservaient le Saint-Graal. Le château était en danger, les armées de Lucifer assiégeaient ses murs, elles voulaient avoir le Graal pour le réinsérer dans la couronne de leur prince, d’où il était tombé sur terre lors de la chute des anges. Alors, au moment le plus critique, une colombe blanche arriva du ciel et fendit de son bec le Thabor. Esclarmonde, sa gardienne, jeta le joyau sacré dans la montagne, qui se referma. Ainsi fut sauvé le Graal. Lorsque les diables entrèrent dans le château, ils arrivèrent trop tard. Dans leur fureur ils envoyèrent au bûcher tous les Purs, au camp des crémats. » (1)

Cette légende apparaît comme ayant une origine et un fond gnostique certains, chacun n’ignorant pas que l’émeraude, pierre de la Connaissance, symbolise ici le « troisième oeil » qui est celui de la Clairvovance, perdue lors de la chute de l’esprit dans la matière.

C’est d’ailleurs dans un évangile gnostique, celui de Nicodème, que l’on trouve le récit du Graal chrétien. Selon ce texte, Joseph d’Arimathie, disciple du Christ, aurait recueilli, dans une coupe d’émeraude, le sang divin tombé des blessures du Sauveur causées par le coup de lance du centurion Longin, lors de la crucifixion.

Quant à l’origine de cette pierre creusée en forme de coupe, recueillie par Joseph d'Arimathie, celui-là même qui embauma le corps de Jésus et offrit d’abriter la dépouille dans son tombeau, il nous est rapporté par la légende née cette fois-ci à Jérusalem (Gnose Syrienne) que ce fut Saint Michel qui détacha la gemme magique lors d’un coup de lance lorsque l’archange terrassa Lucifer.

Nous tournons toujours autour du même symbole, celui du « Porte lumière » : Lucifer, vaincu et rejeté dans les ténèbres. Moïse aura possédé la pierre, tombée miraculeusement sur terre, puis Salomon dans son trésor. Ainsi s’expliquerait, par un jeu de filiation symbolique, la transmission de l’Emeraude jusqu’à Joseph dArimathie.

Il est dommage que le seul récit qui, selon les Chroniqueurs , fasse état de cette origine du Saint-Graal, en l’occurrence le texte de Guyot de Provins (trouvère qui séjourna longtemps auprès du Comte de Toulouse et au château de Foix, au XIIè siècle) soit aujourd’hui perdu alors que nous sont parvenues les versions de Chrestien de Troyes et Wolfram d’Eschenbach. Ce dernier fait également allusion à Lucibel ou à Lucifer et donne une origine céleste au Graal.

Otto Rahn, avant guerre, a assez étudié le récit de Wolfram d’Eschenbach, en le rapprochant des épisodes de la croisade contre les Albigeois et des traditions Cathares de Montségur, pour qu’il soit nécessaire d’insister davantage. Ajoutons seulement que le Minnesinger allemand qui termina le récit de Wolfram, resté inachevé place le Saint-Graal à la garde des Templeisen ou templiers-cathares et leur donne une origine « asiatique ».

Il est intéressant de rapprocher cette précision d’une observation qui relève de la vérité historique pure et simple. Dans la grotte de Montréal-de-Sos (près de Capoulet dans l'Ariège), on a retrouvé une fresque, en partie détruite par l’humidité, remontant au moins au Xlllè siècle et représentant le vase mystique du Graal, entouré de croix latines et aussi une épée et un Soleil rayonnant.

L’érudit chercheur Déodat Roché attribue cette peinture aux Templiers qui tenaient un poste (relais vers St Jacques-de-Compostelle) non loin de là à Mirepoix. Et M. Roché conclut : « Les vestiges du passé que nous avons retrouvés nous permettent de voir dans la région d’Ussat, à Montségur et Montréal- de-Sos des centres de la révélation nouvelle du Graal que nous désignerons dès lors comme celle du Graal pyrénéen. » (2)

Si l’on veut bien admettre que les Templiers (et personne n’ose sérieusement le contester) étaient détenteurs d’une tradition initiatique dualiste et gnostique (le Baphomet), nous rejoignons ainsi à nouveau les Evangiles dits « apocryphes » parmi lesquels se trouvent l’évangile de Nicodème déjà cité, et les textes fort importants pour le manichéisme qui se trouve à l’origine du Catharisme - " l’Evangile de Thomas " et les " Actes de Thomas " (disciple de Jésus).

L’historien Jean Doresse fait remarquer à ce propos : « L’intérêt exceptionnel de ce texte aussi bien pour le passé du Christianisme que pour le développement des Gnoses et du Manichéisme fait que beaucoup de ceux qu’ont touchés les premières nouvelles publiées sur la découverte de Khénoboskion ont désiré connaître cet " évangile " sans trop tarder. » Et plus loin il ajoute : « Le mystère de l’authenticité possible de certaines des paroles que l’Evangile selon Thomas prête au Sauveur fait que cet écrit mérite, plus qu’aucun autre texte jusqu’à maintenant connu, d’être confronté avec les évangiles canoniques. Il est d’autre part notable qu’il fut, pour les hérétiques - pour les Manichéens en particulier - l’ "évangile" par excellence. » (3)

Une fois soulignée l’importance des textes évangéliques attribués à Thomas, il convient, toujours dans l’optique de notre Queste du Graal, d’étudier la vie de celui qui fut désigné comme « l’apôtre des Indes » et qui le fut effectivement, comme nous l’indiquent les données historiques et traditionnelles.

Celui qui avait touché les plaies (donc le sang) du Christ fut instruit par le Sauveur et chargé par Jésus d’une mission privilégiée consistant à partir pour les Indes.

L’évêque Abdias, de Babylone, a rapporté les circonstances du départ de Thomas dans son « Histoire apostolique » :

« Et tandis que cela se passait, Thomas restait à Jérusalem, où il reçut, par une inspiration divine, l’ordre d’aller dans l’Inde, afin de montrer la Lumière de la Vérité à un peuple qui gisait dans les ténèbres. » Thomas partit avec un envoyé du Roi Gandafricus (souverain de l’Inde) qui désirait connaître la doctrine chrétienne, et ses deux frères Jude et Taddée.

Prêchant et « accomplissant des miracles » l’apôtre, descendant le long de la côte dite « des Malabars », atteignit la pointe sud de la péninsule indienne où il s’embarqua pour l’île de Taprobane (l’actuelle Ceylan).

Thomas pensait que l’île était le " séjour du Paradis terrestre ", selon la tradition.

Les indigènes racontaient de leur côté :

« Ici, vécurent Adima, le premier homme, et Héva, sa femme. Tentés par le Prince des Rackasas (Géants ou démons), ils voulurent voir ce qu’il y avait au-delà du merveilleux Jardin mis à leur disposition par Brahma, curiosité fatale, car ayant traversé la mer en sautant d’un récif à l’autre, ils abordent une terre de désolation, dévastée par les mauvais esprits : le Dekkan (« Pays-du-Sud ») dont l’aspect ne tarde pas à épouvanter les téméraires transfuges. Voulant alors regagner leur beau jardin, ils constatent avec effroi la disparition de certains des rochers qui leur avaient servi de passerelle. Ainsi, Adima et Héva, condamnés à rester sur une terre hostile, connurent-ils désormais la tristesse de la condition humaine... ».

N’oublions pas qu’à Ceylan se trouve une montagne nommée « le pic d'Adam ».

En fait de paradis, Thomas et ses compagnons trouvèrent l’enfer de la jungle tropicale. Néanmoins, guidé par une étoile spirituelle, l’apôtre s’enfonça dans l’intérieur de l’île, finissant par arriver auprès d’un temple très ancien dont la tradition attribuait la construction aux anges, la première pierre, seule, ayant été posée par Adam. Ce temple devait se révéler comme étant le « temple du Graal » (le premier sur terre).

Nous rejoignons ici le récit de Wolfram d’Eschenbach, le troubadour germanique . « Le païen Flégétânis découvrit, en examinant les constellations, de profonds mystères dont il ne parlait qu’en tremblant. Il était, disait-il, un objet qui s’appelait le Graal. Il en avait clairement lu le nom dans les étoiles. Une troupe d’anges l’avait déposé sur terre puis s’était envolée bien au-delà des astres. Les anges étaient trop purs pour demeurer ici-bas. »

Nous pouvons ainsi constater que le Graal est un « objet céleste », ce qui en fait une réalité sur tous les plans, spirituel et matériel. Ainsi se rejoignent et se complètent les explications du Graal, coupe du Sang, de l’émeraude et du Livre de la Connaissance confondu avec le « Livre M » des Templiers et le « Livre aux 7 Sceaux » de l’Apocalypse.

Le « Sanctuaire » du Graal est, dans le récit traditionnel que nous suivons pas à pas, le reflet d’un Sanctuaire « célestiel » matérialisé sur terre. En effet, le temple cinghalais contenait douze tables de bronze gravées d’une très fine écriture.

Le récit de « Titurel » donne d’ailleurs une origine « asiatique » au Saint-Graal. Ces tables de bronze incrustées d’émeraude contenaient la Science des Sciences résumant le passé, le présent et l’avenir de l’Homme, depuis la création pré-adamique. Adam et Eve, ces premiers « Humains » d’après la Gnose, venaient d’ailleurs, d’une espèce autre venue visiter notre monde, dans des temps très anciens. Thomas découvrit les Tables, confia la découverte à un nommé Artabase (descendant des rois d'Arménie) ayant accompagné l’expédition , "homme de savoir versé dans la connaissance des parlers antiques". Celui-ci se mit en devoir de déchiffrer les signes gravés et transcrivit la traduction sur des rouleaux de papyrus.

Après de nombreuses étapes au cours desquelles le Graal séjourna successivement en Assyrie, à Jérusalem, à Rome puis en Espagne wisigothique, les Tables de Bronze furent déposées dans une crypte creusée dans le rocher de Montségur, temple solaire des Cathares d’Occitanie.

L’Allemand Otto Rahn chercha le Graal à cet endroit, avec raison, entre 1929 et 1936, au cours de plusieurs séjours dans la région pyrénéenne. Ses recherches n’aboutirent pas dans l’immédiat puisqu’une expédition allemande fut organisée en 1943 pour retrouver le Graal d’après les indications du chercheur allemand... (4)

En possession de ces tablettes, les savants d’outre-Rhin n’ayant pu déchiffrer le texte sacré, l’auraient enfoui à la veille de la défaite dans un glacier autrichien. Il est une certitude en l’espèce: l’existence réelle du Graal, objet « venu d’aileurs » et déposé sur terre par des « Etres Célestes » pour éclairer l’Humanité sur son sort et lui apporter la « Connaissance ».

Ainsi Montségur comme le Pic d’Adam à Ceylan, est devenu « le Château du Graal », le « Revolving Castle » de la Tradition Primordiale. Le Catharisme détenait, par la Science des Parfaits albigeois, certaines clefs de la connaissance graalique. Et ce n’est pas en vain que les Dualistes Cathares et Manichéens se réclamaient de Thomas, de son « évangile » et de son « apocalypse ». (5)

L’Eglise « officielle » qui partit en guerre contre cette Gnose, occulta le message et triompha du « Porte-Lumière » dans sa « Croisade contre le Graal ».

Ainsi, Montségur attend toujours le « Chevalier fol et pur » qui révèlera au monde le message lumineux du Graal.

S’il ne devait pas en être ainsi, la Terre devrait attendre l’ouverture du « Septième Sceau » du Livre de l'apocalypse de Jean pour connaître la vérité du Liber Mundi qui est aussi le Graal sur tous les plans, à une date qui nous est clairement indiquée par lapôtre de Patmos.

Bibliographie:

  1. Otto RAHN, La Croisade contre le Graal (Stock-Paris, 1933)
  2. Déodat ROCHE, Etudes Manichéennes et Cathares (Ed. Véga, Paris,1952).
  3. J. DORESSE, L'Evangile selon St Thomas (Plon-Paris, 1961).
  4. Cf J-M. ANGEBERT, Hitler et la Tradition Cathare (Laffont-Paris, 1971).
  5. L'Apocalypse qu'écrivit St Thomas est un texte prophétique d'importance primordiale, hélas perdu.

source: De Montségur au Pic d'Adam (Michel Angebert)

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