Le thème central et l'objet final du roman de Dan Brown sont la compréhension de ce que représente le Saint-Graal.
Dans diverses versions de la légende, le Graal a été décrit comme une coupe ou un calice, une relique contenant le sang du Christ, un plat d'argent, un chaudron d'abondance, une pierre du paradis, une assiette, un poisson, une colombe, une épée, une javeline, une lance, un livre secret, de la manne du paradis, une tête tranchée, une lumière blanche aveuglante, une table et beaucoup d'autres choses encore. La quête du Graal, pour le comprendre mais aussi pour le découvrir, nous accompagne depuis près de mille ans et se trouve profondément incrustée dans l'âme moderne. Le Graal a été représenté sous de nombreuses formes à partir des temps médiévaux et sa recherche a occupé de nombreux esprits. Mais que savons-nous de ses origines ?
Selon la vision conventionnelle, le Graal est le calice qui a recueilli le sang du Christ et que Joseph d'Arimathie a apporté en Grande-Bretagne. Il aurait abordé à Glastonbury, dans le sud de l'Angleterre ; ensuite, on aurait perdu sa trace. D'après la légende, cette coupe ou Graal avait d'abord servi pendant la Cène, puis pendant la Crucifixion, pour collecter le sang du Christ. Cependant, les versions diffèrent quant à savoir qui a recueilli le sang : pour certains, ce serait Joseph d'Arimathie, pour d'autres, Nicodème ou encore Marie-Madeleine. La légende se prolonge à travers les siècles, pour atteindre un pic à l'époque du Moyen Age.
Les premiers romans du Graal ont été rédigés au XIIe et au XIIIe siècle. La production se concentre particulièrement entre 1190 et 1240, encore que l'histoire semble avoir été antérieurement transmise par la tradition orale. Ces dates coïncident avec la montée en puissance des chevaliers du Temple en Europe. Les auteurs se retrouvent principalement parmi les moines cisterciens et bénédictins, et de nombreuses histoires révèlent des thèmes manifestement templiers.
Très tôt, il apparaît qu'il n'existe pas une histoire unique du Graal. La plupart des romans présentent des versions contradictoires. L'une des plus anciennes connue est Perceval ou le conte du Graal, écrite par Chrétien de Troyes autour de 1180. C'est là qu'apparaît pour la première fois le personnage de Perceval, le chevalier naïf, figure archétypale de l'idiot des histoires du Graal. Au cours d'une grande fête dans le château du Roi-Pêcheur, le chevalier voit d'abord ce qu'il prend pour le Graal, croise beaucoup d'autres visions et événements, il est également question d'une épée brisée. Le Roi-Pêcheur est un personnage étrange qui survient dans le Graal et les légendes arthuriennes ; il reste toujours une figure mystérieuse, pas encore entièrement comprise. Chrétien de Troyes mourut probablement avant de terminer son histoire, qui aurait été partiellement complétée par des auteurs plus tardifs composant des versions appelées Les Continuations. Ces versions ajoutent des embellissements et de la couleur à l'histoire originale, additionnent des éléments destinés à devenir des classiques dans des versions ultérieures.
Les contes de Robert de Boron, Joseph d'Arimathie et Merlin, sont deux autres histoires du Graal écrites autour de 1200. Ces textes révèlent une nouvelle orientation chrétienne : ils soulignent que, pour les chevaliers, la quête était avant tout spirituelle, plutôt qu'une histoire d'honneur courtois ou de belle princesse à marier. A cette époque, dans les premières années du XIIIe siècle, les contes de Robert de Boron s'associent aux légendes arthuriennes, fort populaires alors, où l'on retrouvait fréquemment sir Gauvain et sir Galaad. Au même moment, fut rédigée la plus connue des histoires du monde anglophone, The Queste, qui mettait en scène sir Galaad, fils de sir Lancelot. The Queste forme la base de La Morte d'Arthur, le brillant récit épique de sir Mallory (1408-1471), qui date du XVe siècle. Cette oeuvre, plus qu'aucune autre, a déterminé la perception actuelle non seulement des légendes arthuriennes, mais aussi des romans du Graal. Le livre de Mallory exerce un impact puissant sur les esprits depuis cinq cents ans.
Vers 1205, un poète bavarois du nom de Wolfram von Eschenbach composa le poème Parzifal (Parsifal pour l'opéra en trois actes de Richard Wagner, Perceval en français). Il redit la quête du héros telle qu'elle fut écrite par Chrétien de Troyes, avec cette différence que le Graal devient une pierre. Pas une pierre ancienne : celle dont il est question est une pierre lumineuse tombée du paradis. Pour la première fois, le Graal n'est pas décrit comme une coupe. La pierre d'Eschenbach est gardée par des chevaliers appelés Templeisen, terme qui fait allusion aux chevaliers du Temple. Dans l'histoire du poète, le jeune Parzifal est en quête du château du Graal, nommé ici Mont du Salut. Sur sa route, il rencontre un vieil homme sage appelé Trevrizent, avec lequel il reste quinze jours. Le vieillard est en fait l'oncle de Parzifal ; il lui raconte l'histoire du Graal qu'il tient d'un vieux sage, Kyot de Provence. Selon plusieurs experts, Kyot serait inspiré d'un personnage authentique, Guiot de Provins. Trevrizent prétend que Kyot a découvert l'histoire du Graal à Tolède, dans un livre écrit en une langue étrange et barbare. Cette « langue barbare » est probablement l'arabe que parlaient les Maures de Tolède. Trevrizent continue en expliquant à Parzifal que ce livre a été écrit par un homme appelé Flegetanis, dont la mère était une Juive de la lignée de Salomon, et dont le père semble avoir été un astrologue. L'histoire de Parzifal telle qu'elle est racontée par Eschenbach a pour thème la pureté et le jugement. Seuls ceux qui ont le coeur et l'esprit purs peuvent atteindre le Graal, et il appartient à Dieu de juger qui est digne d'y parvenir. Parzifal finit par retourner au château du Graal, pose la question juste au Roi-Pêcheur et, ce faisant, guérit le souverain mourant. Parzifal devient ensuite le roi du Graal et le cycle continue.
L'idée du Graal comme métaphore de la lignée du Christ est relativement récente. Pourtant, nombre d'auteurs modernes tentent de nous faire croire que cette vérité a été connue à travers les siècles par quelques hommes soigneusement choisis, qui auraient dissimulé cette idée dans des travaux d'art et d'architecture au cours des âges. Le Prieuré de Sion et ses grands maîtres en sont un exemple classique.
Les histoires qui reprennent l'usage originel du Saint-Graal - recueillir le sang du Christ lors de la Crucifixion - associent ce sang précieux au Graal, voire représentent une métaphore pour désigner une véritable descendance du Messie. Cette théorie implique que le Christ se soit marié à Marie-Madeleine avant sa mort et qu'elle ait porté son enfant. La lignée du Christ est censée se prolonger jusqu'à nos jours, et le Graal serait donc le « rameau » par lequel les rois mérovingiens descendraient du Christ. L'hypothèse est qu'après la Crucifixion, Marie-Madeleine a débarqué en France avec leur enfant. Par la suite, un des descendants se serait marié dans une tribu franque, donnant le jour à la dynastie mérovingienne. D'abord popularisée voilà vingt ans par Michael Baigent, Henry Lincoln et Richard Leigh dans leur best-seller L'Enigme sacrée, cette analyse connaît maintenant une renaissance grâce à la popularité du Da Vinci Code, qui a tiré nombre d'informations du premier ouvrage pour construire son intrigue.
source: Le Da Vinci code décodé: le Saint-Graal (Simon Cox)